Dossier spécial : Le Mémorial américain
- communication0032
- 13 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Après des mois de recherches pour retrouver les noms des soldats tombés lors des combats de Bourgneuf-Fourneuf et Kergroas en 1944, et des centaines d’heures de sculpture et gravure, le mémorial américain de Gouesnou sera inauguré le dimanche 16 novembre. Retour sur ce projet d’hommage et de mémoire.
« Gouesnou est une commune martyre de la Seconde Guerre mondiale. Son bourg, ses bâtiments, son église détruits par le feu et les bombes en portent encore aujourd’hui les stigmates. Il nous revenait de rendre hommage aux centaines de soldats américains morts pour notre liberté, ici à Gouesnou, lors de l’été 1944 », rappelle le maire, Stéphane Roudaut.
80 ans après la Victoire, la Ville poursuit ainsi son devoir de mémoire avec l’inauguration le 16 novembre d’un monument en hommage aux soldats américains, tombés lors des batailles de Bourgneuf-Fourneuf et Kergroas, entre le 9 août et le 7 septembre 1944 au début du siège de Brest. Érigé à l’intersection de la RD67 et de la route du Fourneuf, au côté de l’actuelle stèle installée en 1994, le mémorial se veut être un véritable lieu de recueillement. Une suite logique à la démarche mémorielle entreprise par la Ville de Gouesnou, avec le financement de la thèse de Dimitri Poupon en 2022 sur le massacre de Penguérec, l’édition de la bande dessinée Mémoires de chair et de douleur par les auteurs Kris et Florent Calvez, ainsi que l’organisation de l’évènement festif Gouesnou Memory en septembre 2024.
Le mémorial a obtenu le label “Mission Libération” délivré par le ministère des Armées, qui distingue les projets commémoratifs liés aux 80 ans de la Libération. Une subvention de 5 000 € a ainsi été attribuée. Habitants et entreprises ont également été invités à participer au financement du monument, dont le budget s’élève à 265 000 € (œuvre, aménagements paysagers et médiation culturelle et historique).
Un travail de recherche franco-américain de longue haleine
C’est à la suite d’une visite au cimetière militaire américain de Saint-James à Avranches que Dimitri Poupon a pu établir une première liste de 214 noms de soldats tombés au combat. « Notre travail a été de vérifier la liste et de la compléter », explique Denis Bertin, président de l’association gouesnousienne Les Amis du Patrimoine. Problème : « on se rend compte d’une part que certains régiments des divisions identifiées ont combattu dans les communes alentour et non pas à Gouesnou, et d’autre part que de nombreux corps ont été rapatriés aux États-Unis. On avait donc à la fois des noms en trop, et d’autres manquants ».
Thierry Chaunu, délégué aux États-Unis de l’association Le Souvenir Français, met alors Denis Bertin en relation avec l’association américaine The Society of the Honor Guard, Tomb of the Unknown Soldier pour l’aider dans les recherches. « Deux membres en particulier nous ont prêté main-forte : Joseph Neubeiser, vétéran de la guerre du Vietnam, qui nous a guidés sur les bons documents à demander aux archives, et Richard Azzaro, qui a apporté son éclairage sur la façon d’exploiter les documents », précise Denis Bertin.
Commence alors un long travail d’analyse de centaines de pages de Morning Reports, notes écrites par les officiers dans lesquelles ils décrivaient leurs trajets, leurs pertes, leurs gains et les victimes de leurs unités. « Nous les avons passées au peigne fin pour chaque régiment. C’était un travail de fourmi, car la qualité des documents n’était pas toujours idéale, avec de nombreuses abréviations, des erreurs de matricules, des informations à recouper avec d’autres sources… ».
Au total, huit mois de recherche auront permis l’identification de 229 soldats, dont les noms sont aujourd’hui gravés dans la pierre. « C’était un travail complexe mais très intéressant ; nous étions une équipe franco-américaine très motivée », confie le passionné d’histoire.
Val C. Pope, caméraman de guerre tombé à Gouesnou
Val C. Pope est l’un des soldats tombés à Gouesnou et dont le nom figure sur le monument. Il a été l’un des premiers caméramans à débarquer le 6 juin 1944 sur Omaha Beach – l’une des plages les plus meurtrières du Débarquement – aux côtés du photographe Walter Rosenblum.
« Leurs images ont rapidement fait le tour du monde. Elles sont particulièrement saisissantes, car on y voit bien qu’au-delà d’affronter les tirs ennemis, les soldats devaient également affronter les éléments », explique Denis Bertin. Pope meurt le 25 août 1944, à Gouesnou, touché par un sniper allemand alors qu’il se dirigeait vers un poste d’infirmerie. « C’est vraiment un parcours héroïque : en prenant ces clichés, il fallait à la fois faire attention de ne pas se faire toucher, mais aussi de ne pas gêner les combats. C’était quelqu’un de très courageux, au destin gâché ».
Graver dans l’éternité
C’est Jean-Philippe Drévillon, artiste à qui l’on doit la statue de saint Gouesnou de la Vallée des Saints (Carnoët – 22), qui a imaginé et sculpté le mémorial. Au centre, un soldat américain à taille réelle se trouve assis, sa baïonnette posée à ses pieds. Dans son dos se dressent des piliers de granit, sur lesquels sont gravés les 229 noms des soldats tombés au combat. Au milieu, une porte, « symbole de la liberté, de la transition, du passage de l’obscurité à la lumière, du lourd sacrifice de ces hommes venus de l’autre côté de l’Atlantique pour chasser l’ennemi et nous aider à recouvrer notre liberté ».
« J’ai grandi à Gouesnou et je suis passionné par la Seconde Guerre mondiale, donc ce projet me parlait », confie le sculpteur. « Je n’ai pas voulu représenter un soldat en action, visant l’ennemi, mais un soldat assis, en pleine réflexion. Il s’interroge sur ce qu’il fait, sur ses amis, sa famille, sur sa propre vie… L’idée, c’est de ne pas faire l’apologie de la guerre mais de montrer quelque chose de plus profond », explique l’artiste.
De nombreux détails et références viennent parfaire la sculpture : baïonnette en bronze pour rappeler la dureté des combats, tête de dragon en référence à l’église de Saint-Gouesnou, gravure du premier et du dernier soldat tombés au combat… « C’est un travail très intéressant mais aussi très difficile, car il faut réussir à prendre du recul et ajuster en fonction ». Avant de se transformer en soldat, le bloc de pierre de Kersanton qui pesait initialement 5 tonnes a été taillé avec minutie pendant plusieurs mois.
Une inauguration en présence de près de 80 Américains
L’inauguration, prévue le dimanche 16 novembre, se fera en présence d’une vingtaine de familles américaines venues spécialement pour l’occasion, soit près de 80 personnes.« Cela nous montre bien que le projet touche beaucoup de monde », se réjouit Philippe Nouris, conseiller référent aux associations patriotiques et au devoir de mémoire.
« Les Américains partagent l’importance du devoir de mémoire, et sont vraiment honorés que l’on continue de penser à leurs combattants, ici en France », témoigne l’élu. Des représentants de l'administration et de l’armée américaine sont également attendus, ainsi que toutes les associations et les partenaires qui ont travaillé sur le projet.
Le mémorial sera ensuite pleinement intégré dans le paysage local, avec des panneaux d’interprétation, l’organisation de visites guidées et la tenue de cérémonies. « Le Monument américain sera à la fois un lieu de recueillement, mais également un lieu où l’on peut venir se promener », explique Philippe Nouris.




